mardi, février 06, 2007

Un souvenir de famille considéré comme une arme


S’il garde le petit coffre-fort, Jacques Flochet peut bien contempler une dernière fois le pistolet Manurhin, souvenir de famille, qu’il est allé remettre hier aux gendarmes.
Sommé de rendre son pistolet en vue de sa destruction, le propriétaire d'un 22 long rifle est allé le déposer à la gendar- merie avec le coffre-fort qu'on lui a fait acheter il y a cinq ans…
Jacques et Camille Flochet, retraités demeurant à Issoudun, sont fâchés. Ils sont propriétaires d'un pistolet 22 long rifle, qu'hier ils sont allés remettre à la gendarmerie car ils n'ont plus le droit de le détenir. Or cette arme, un Waltersport Manurhin, a surtout pour eux une valeur sentimentale. « Mon père, raconte l'épouse, a travaillé pour Manurhin, à Mulhouse et, à sa mort, il m'a légué ce pistolet que je garde comme un souvenir de famille. »
Il y a dix ans, en bons citoyens, les Flochet sont allés déclarer l'arme au commissariat d'Issoudun. En janvier 1997, la préfecture de l'Indre leur a délivré une autorisation de détention d'arme de 4e catégorie, valable pour cinq ans. En 2002, petit changement : l'autorisation de détention d'arme est renouvelée au couple Flochet à condition que l'arme soit détenue dans un coffre-fort. Aussitôt, obéissants et respectueux de la loi, les Flochet font l'achat d'un mini coffre-fort.
Cinq ans plus tard, c'est-à-dire en 2007, les propriétaires du pistolet Manurhin apprennent que l'autorisation de détention ne sera pas reconduite et qu'ils doivent remettre leur joujou aux autorités compétentes, en l'occurrence la gendarmerie d'Issoudun. C'est le résultat d'un nouveau décret.
Les Flochet ont effectué hier cette démarche mais à contrecœur et en déplorant cette nouvelle réglementation qui va les conduire à se séparer d'un irremplaçable souvenir de famille. Camille Flochet a parallèlement écrit au préfet. « À votre demande, lit-on, je remets à la gendarmerie d'Issoudun mon pistolet avec le coffre-fort que vous m'avez imposé d'acheter il y a cinq ans. N'en ayant plus l'utilité, j'aimerais que celui-ci me soit remboursé. Je ne comprends pas que ce nouveau décret oblige les personnes ayant déclaré de bonne foi leurs armes à les remettre à la gendarmerie en vue de leur destruction. »
Le pistolet a été déposé, hier matin, chez les gendarmes d'Issoudun qui n'ont pas voulu du coffre-fort. Qu'en adviendra-t-il ? Destruction ou neutralisation ?
Jacques Flochet tire les leçons de cette fable un brin kafkaïenne : « On a dépensé de l'argent pour acheter le coffre-fort qui ne nous sert maintenant plus à rien et, si on veut conserver notre pistolet, on nous demande de faire procéder à sa neutralisation, à nos frais, je précise. Au fond, c'est une incitation à garder l'arme chez soi sans rien dire. L'honnête citoyen est pénalisé. »
Jacques Flochet ne va pas jusqu'à dire : « Si j'avais su… », mais il le pense très fort.

Source: la NR.